L’image métamorphique

 

 

 

 

Le corps titube face aux toiles de Julien Mokthari. Face au surgissement de la peinture même.

 

Ces toiles comme Méduse la Gorgone nous prennent en otage. Elles nous happent, nous poignent, nous giflent, nous éclaboussent, nous mordent, nous avalent. Drôle de sentiment tout de même que celui de se faire avaler, malmener par l’image picturale.

Un malaise il y a.

 

Le corps tout entier est invité à ressentir ce que l’œil ne peut plus supporter à lui seul, dès lors, il se met à glisser d’un organe à l’autre, d’un membre à l’autre et ainsi nous conduit à voir ce qui se passe quand on regarde depuis son cœur, son ventre, son nombril, ses bras, ses poignets, son pubis, ses cuisses, ses chevilles. Regardez depuis son corps des corps, des visages sans regard car quelque chose est entre eux et nous : la peinture.

 

Il est vain de vouloir décrire ces figures hybrides ; quelque chose vient à manquer aux mots. Julien Mokthari peint le surgissement de formes inconnues, innommables car ne faisant pas partie de notre horizon d’attente, elles échappent à la raison. Et par conséquent elles deviennent à nos yeux anormales, monstrueuses parce qu’extraordinaires.

Ce sont des corps incorporés d’entrelacs de sensations, de forces, de puissances bestiales et humaines qui ne peuvent constituer de formes, de figures déterminées en soi. Le corps est vivant, plastique, il crie, pleure, saigne, déborde d’un sentiment d’existence en puissance.

Le corps qui est à l’œuvre est un corps en devenir, ouvert. On pourrait dire que le corps produit est un futur du réel en devenir.

 

L’exposition Amok est l’occasion de s’interroger sur le corps dans nos sociétés contemporaines afin de le libérer des stéréotypes, des clichés qui l’asservissent.

 

Dans ces images anormales le corps n’est pas l’image de…, il est.

 

Le corps est la venue en présence du sensible, du sentiment de l’existence du fait d’être-là.

 

 

S C-M